18e régiment d'infanterie de ligne

Reconstitution historique Empire

Le marquage des effets

1. La théorie

Lassé d’égarer mes affaires prêtées aux nouveaux reconstitueurs de notre association, je me suis penché sérieusement sur la question du marquage des effets.

En effet, prendre le temps de marquer ses effets évite non seulement les confusions du matériel entre soldats, mais en plus il représente un certain progrès vers notre recherche du détail.

Le marquage des effets est décrit par différents règlements et manuels :

  • « règlement de comptabilité du 8 floréal an 8 », titre 4 art.29 et 47
  • « règlement d’administration du 10 février 1806 » art 12 et 34
  • « manuel d’infanterie ou résumé de tous les règlements, décrets, usages, renseignements, propres à cette arme. Ouvrage renfermant tout ce que doivent savoir les sous-officiers » (auteur : Bardin – plusieurs éditions de cet ouvrage sont connues (1807, 1808, 1813 et 1814)).

Le règlement de comptabilité de 1800 et le règlement d’administration de 1806 fixent les grandes lignes :

Art.29 : Marque aux parties de l’habillement

« Toutes les parties de l’habillement seront timbrées de l’année où elles auront été façonnées.

Les habits et les vestes seront marqués sur le pli de derrière, et les culottes sur le côté droit extérieur de la ceinture.

Toute la buffleterie, bretelles, havresacs (le règlement de 1806 ajoute ici les portes manteaux) et autres effets d’équipement, seront marqués du numéro de l’homme, et des lettres alphabétiques qui seront affectés à chaque compagnie. »

Art. 47 : Marque à l’armement

« tous les fusils, baïonnettes et sabres, seront marqués de la lettre alphabétique affectée à la compagnie, et d’un numéro depuis 1 jusqu’au dernier numéro représentatif du nombre des hommes dont la compagnie sera composée.

Les armes de ceux qui ne feront plus nombre, passeront à ceux qui les remplaceront, afin que, dans aucun cas, l’ordre des numéros des hommes ne soit inverti, et demeure constamment tel qu’il aura été établi dans les compagnies, divisions, subdivisions ou escouades.

Les armes sans destination, et celles des hommes absens par congé seront déposées dans le magasin de la compagnie, et entretenues par des hommes de corvée. »

Les différentes éditions du Bardin, quant à elles, permettent de comprendre exactement comment et où le marquage était effectué.

Cependant, les 2ème, 4ème et 5ème édition font apparaître des modifications… J’ai repris ici ce que dit la première édition, et ai ajouté entre parenthèses les différences lorsqu’il y en a:

L’habit : il doit être marqué en dedans et au côté droit à la hauteur de la poitrine sur la doublure de toile au moyen d’une étiquette de papier blanc où le numéro et la lettre seront inscrits avec de l’encre d’imprimerie. (2ème, 4ème et 5ème éditions : les habits et vestes doivent être timbrés sur le pli de derrière);

La veste : elle doit être marquée de la même manière que l’habit (2ème, 4ème et 5ème éditions : idem habit);

La culotte : elle doit être marquée sur le côté droit extérieur de la ceinture (ne figure pas dans la 1ère édition du Bardin, mais dans les 2ème, 4ème et 5ème éditions);

Le pantalon de drap : il doit être marqué en dedans de la couture et au côté droit sur la doublure de toile;

La capote : elle doit être marquée à 50mm au-dessous du collet et au milieu du dos sur la doublure avec de l’encre d’imprimerie;

Le shako : il doit être marqué en dedans, avec de l’encre d’imprimerie, l’étiquette étant placée sur le fond (4ème édition : marquage sur le dessus de la visière);

Le bonnet de police : il doit être marqué en dedans sur la doublure et au milieu de la calotte de la même manière que les shakos;

Les guêtres noires : elles doivent être marquées sur le devant de la jambe, sur la doublure de la toile qui garnit la partie supérieure (2ème, 4ème et 5ème édition : en dedans, près du genou);

Les guêtres grises : elles doivent être marquées comme les guêtres noires (2ème, 4ème et 5ème : idem guêtres noires);

Les chemises : elles doivent être marquées avec de la rouille ou de l’encre d’imprimeur, au côté droit, à la hauteur de la poitrine. (2ème et 4ème éditions : marquage sur la poitrine, à la hauteur du 3ème bouton de la veste);

Les souliers : ils doivent être marqués au moyen de l’empreinte d’un fer chaud en dedans de la semelle au milieu du talon. L’empreinte sera assez légère pour qu’elle ne blesse pas le pied (2ème et 4ème édition : les souliers sont poinçonnés en dedans, vers le centre de la semelle);

Les chaussettes : elles doivent être marquées en dedans et au côté droit sur la doublure de toile avec de la rouille ou de l’encre d’imprimerie;

La giberne : elle doit être marquée au moyen d’une empreinte faite avec un fer chaud sur le côté droit du coffre au-dessous de la sous-patelette, entre la bordure du fond et la bourse;

La banderole de giberne et les baudriers : ils doivent être marqués intérieurement avec de l’encre d’imprimerie sur le milieu du buffle à l’endroit du dos où ils se croisent. (2ème et 4ème édition : baudriers et banderole seront marqués au moyen d’un poinçon vers l’endroit qui appuie au centre de la poitrine; 5ème édition : marquage au revers au moyen d’une lettre de fer);

Le havresac : il doit être marqué aux extrémités de ses bretelles près de leur jonction, au moyen d’un fer chaud, de manière à ne pas brûler la couture du contrefort qui les réunit;

Les courroies longues et courbées du havresac : elles doivent être marquées au milieu et à l’intérieur;

La bretelle du fusil : elle doit être marquée intérieurement au moyen d’une empreinte d’encre d’imprimeur, à la partie qui appuie entre la première capucine du fusil et celle d’en bas (2ème, 4ème et 5ème éditions : 1 pouce (27mm) au-dessus de la demi boucle);

Le fourreau de baïonnette : il doit être marqué au moyen d’un fer chaud sur le côté opposé à la couture, à 25mm au-dessous du chapeau de buffle;

Le fourreau de sabre : il doit être marqué au moyen d’un fer chaud à 25mm au-dessous de la pointe inférieure du pendant de baudrier (2ème, 4ème et 5ème éditions : sur le côté extérieur du fourreau);

Le fusil : il doit être marqué au tonnerre près le bouton de culasse, à la plaque de couche entre le talon et la vis à bois, à la douille de baïonnette du côté opposé à l’échancrure, 25mm au-dessus du bourrelet, et à la poire de la baguette (2ème, 4ème et 5ème éditions : au tonnerre, à la poire et à la douille);

Le sabre : il doit être marqué sur le côté extérieur du fourreau (2ème et 5ème éditions : sur le côté extérieur de la branche et le côté extérieur du fourreau).

Remarque : si les règlements de 1800 et de 1806, ainsi que la 1ère édition du Bardin, précisent pour chaque effet le type de marquage, la 5ème édition du Bardin indique quant à elle uniquement que « les effets d’habillement et le linge sont marqués avec de la rouille, la buffleterie, avec un fer brûlant ; la marque des armes est gravée. Le soin du marquage et entretien des marques regarde le fourrier ». Le contrôle des marquages est quant à lui du ressort du capitaine d’habillement.

La forme des marques

Conformément à l’instruction du 1er janvier 1792, art.9, l’équipement est marqué du numéro de l’homme et de la lettre affectée à chaque compagnie. Les lettres G.R.1 et G.R.2 désignent les 2 compagnies de grenadiers, et les 16 (puis 24) premières lettres de l’alphabet désignent les compagnies de fusiliers.

Bardin confirmera ensuite cela dans son « Mémorial de l’officier d’infanterie, présentant la collection méthodique de tout ce que les règlements aujourd’hui en vigueur, et les lois non abrogées, contiennent de particulier à cette arme » paru en 1809, puis dans le « Cours d’instruction » de 1814, en précisant que « sur la droite de la lettre alphabétique (vu de la lettre), il doit être mis l’année dans laquelle l’effet neuf a été délivré ».

On peut donc en conclure que le marquage des effets s’établit comme suit :

Année de distribution . lettre correspondant à la compagnie . numéro de l’homme ; par exemple : 1806.A.33.

Police et taille des caractères : la police Didot (police de caractère la plus utilisée à l’époque) est à utiliser, et les caractères sont de taille 10-15 mm.

Illustration 1

Giberne d’un sergent de la 2ème compagnie du 3ème Rgt Suisse

2. La mise en pratique

Voici comme promis quelques considérations pratiques ainsi que quelques illustrations du résultat obtenu.

Tout d’abord le marquage se révèle délicat sur les effets d’habillement épais. En effet, il est difficile de tendre suffisamment le tissu pour que le tampon imprime correctement le caractère, et uniquement le caractère. Je propose donc d’étendre à tous les vêtements le mode de marquage du shako et du bonnet de police : préparez-vous une série d’étiquettes de lin qui sont ensuite cousues à la main (cf. photos).

Ensuite, vu qu’il est extrêmement difficile de trouver des fers pour marquer à chaud (personnellement je n’y suis pas encore parvenu et n’ai pas encore trouvé quelqu’un qui y soit parvenu), j’ai essayé de marquer la buffleterie et les effets en cuir avec de la teinture. Le résultat a été catastrophique car la teinture fuse et au lieu d’avoir un caractère bien marqué on obtient une tache noire. Je propose donc de tout marquer à l’encre : comme l’illustre ci-dessous la photo de ma banderole de giberne ; les caractères ne sont cependant pas très noirs du fait de la teinture blanche. Il faudra voir à l’usage si le marquage tient à long terme.

Enfin, comme présupposé, l’encre ne supporte pas complètement le lavage machine à l’eau chaude. Ci-dessous la photo de ma chemise montre combien l’encre s’est éclaircie après seulement 1 lavage. La solution des étiquettes semble donc bien aussi du point de vue du remplacement périodique du marquage qui sera très probablement nécessaire, au moins pour pantalon, culotte et chemise.

Illustration 2

Le fourreau de baïonnette

Illustration 3

Les bretelles

Illustration 4

Les guêtres courtes

Illustration 5

Le pokalem

Illustration 6

Le havresac

Illustration 7

Le bonnet de police

Illustration 8

La banderole de giberne

Illustration 9

La chemise

3. Conclusion

Au sein de notre association, hormis quelques apparatchiks, nous recréons des fusiliers de la 1ère compagnie : la lettre de notre compagnie est donc le A.

Vu qu’il me semble très compliqué de se caler sur les règles de numérotation de l’époque (notamment en ce qui concerne les numéros du soldat), je vous propose d’utiliser votre numéro d’adhérent, figurant sur votre carte de membre.

Enfin, pour l’année de distribution de l’effet, c’est là que les choses se compliquent et qu’il faut que chacun choisisse pour soi-même. En effet, non seulement la date des reconstitutions varie selon le scenario, mais la date de distribution doit être adaptée à l’histoire de votre personnage puisqu’il faut que la durée de vie de votre effet colle avec celle prévue par l’intendance. En dernier lieu, le marquage de votre effet doit correspondre à la date de distribution qui figure dans votre livret militaire ! Un conseil personnel tout de même : le marquage des effets est intéressant en HV, or les sorties HV se déroulent pour la plupart plutôt en fin d’Empire, choisissez donc une date de distribution plausible pour un événement sensé se dérouler en 1813, 1814 ou 1815…

Baguette

Retour vers le haut de la page...